L'appel de la beauté
Pour moi il y a eu deux commencements :
Etant
enfant je dessinais et je sentais que c'était ma voie d'expression. J'ai fait
quelques cours très dispersés. A l'adolescence, cela se confirmait de plus en
plus, je suis arrivé à créer un monde et un style à moi. Je me disais que je
serais artiste, c'était clair. Je dessinais des personnages, et d'autres sujets
qui venaient de mon imagination. J'avais développé une technique avec des
feutres : j’utilisais des lignes très fines qui remplissaient les surfaces,
parfois je travaillais aussi dans le mouillé come une aquarelle. Je faisais
aussi un peu de pastel.
Mais la
vie m'a emmené par un autre chemin, à 17 ans je suis partie de Buenos Aires
pour vivre en Suisse où j'ai essayé d'entrer à l’école des beaux arts mais cela
n'a pas marché, c'était trop couteux. Finalement, j'ai fait des études en
philosophie qui était ma deuxième passion.
J'ai arrêté de dessiner. Vers la fin de mes études, j'ai voulu reprendre
et j'ai constaté que mon cerveau n'était plus le même. J'ai dû réapprendre à
dessiner mais aussi mon imagination et mes intérêts étaient différents.
J'ai
appris à peindre à l'huile et à l'aquarelle en autodidacte, je suis allée à
beaucoup de musées, j'ai lu beaucoup de livres sur l'art, la peinture, les
artistes qui me plaisaient, les techniques, avant internet ! Pendant ces années
du début, j’ai exploré différentes choses en cherchant un chemin personnel.
2.Présentation dans l’actualité :
qu’est-ce que tu fais aujourd’hui, quelles techniques travailles-tu, où
travailles-tu ?
Depuis
trois ans, je travail presque exclusivement à l'aquarelle. C'était un
changement très important, avant je peignais à l'huile depuis presque 15 ans.
Ce choix était un peu la conséquence des circonstances extérieures, à un moment
j’ai du déménager et je n'avais plus d'atelier pour l’huile donc je me suis
tournée vers l’aquarelle qui est plus facile à mettre en œuvre dans des espaces
réduits. Le bon côté de l'aquarelle est qu'elle est très pratique pour les
déplacements, j'ai seulement besoin de papier d'une taille adaptée à la valise,
des pinceaux, et de la boîte de couleurs qui est très petite. Cela a été
déterminant dans mon choix parce que ces dernières années je me suis beaucoup
déplacé.
Finalement,
j'ai adopté l'aquarelle plus profondément, ce qui a changé la thématique de mes
œuvres. Maintenant, j’ai un projet très déterminé: je peins des fleurs à
l'aquarelle. C'est très inspiré de la peinture botanique mais avec une visée
plus poétique. Ce projet consiste à photographier les fleurs et plantes dans
différents lieux comme des jardins publiques, jardins des maisons, ou des
jardin botaniques. J'ai un grand nombre de photos que j’ai fait au fil des
années, et que j'utilise pour construire des ensembles d'images. Mon amour pour
la nature a pris beaucoup de place dans mon œuvre, cela m'amène beaucoup de
joie et de paix. Prêter attention aux coins de nature où je vis me semble essentiel.
Les peintures sont comme un souvenir de ces promenades.
Ce projet
est maintenant très définit et il évolue à fur et à mesure qu'il avance.
J'apprends toujours beaucoup, et je sens que la
manière de peindre change par soi-même, des nouvelles choses
apparaissent, par exemple les lignes de couleur que j'ai introduit pour
accompagner les fleurs et qui est quelque chose de typique chez moi que j’ai
mis du temps à intégrer aux fleurs. Cela me permet de jouer avec la
couleur de façon plus abstraite aussi. Les fleurs sont toujours situées dans un
espace abstrait, généralement fond blanc, et ce sont des ensembles de fleurs en
dialogue. Les ensembles ont différentes origines cela peut être des fleurs d'un
même lieux, par ex. les fleurs de montagne, mais cela peut aussi être un
ensemble par famille par ex. les pavots, ou par couleur.
Même si je
réfléchis à la composition que je vais privilégier il y a une grande part
d’improvisation. Une fois que les premiers éléments apparaissent dans le
papier, il faut suivre la logique qui naît entre ces éléments pour trouver un
équilibre.
La nature m'inspire
beaucoup. Observer le monde végétal me plaît énormément. Et puis ce
rapprochement de la nature ne s’est pas seulement manifesté dans ma peinture
mais aussi dans beaucoup d’autres aspects de ma vie. Dans ma façon de vivre,
manger, acheter, etc. Comprendre que nous sommes connectés profondément avec
les autres êtres vivants est une expérience fondamentale dans ma vision de la
vie et de l’art.
Au niveau
de la peinture, je veux faire une sorte de collection des images qui me
plaisent et m'inspirent. Je me guide par l'appel de la beauté, je pense que
c'est important de montrer cette vision, se focaliser sur la beauté plutôt que
sur une démarche critique. Nous pouvons nous nourrir de cette beauté et peut-être
nous serons aussi appelés par la paix et la délicatesse nécessaires à ouvrir le
cœur et l'esprit.
Dans mes
œuvres, il y a un côté fragmentaire. Je n’ai pas de modèle entier que je
construis pour en faire une peinture mais ce sont des images fragmentées que je
mets ensemble pour se parler ou s’accompagner. C’est un espace de deux
dimensions où se rassemblent des fleurs et des couleurs. J’ai l’impression que
la vie est un peu comme cela, des moments, des temps-espaces fragmentés qui se succèdent
mais qui n’ont pas forcement la cohérence d’une histoire, il a des connexions,
des ruptures, de co-existences mais pas d’ensemble cohérent. J'essaye de
pratiquer l'acceptation de moi-même et de la réalité dans mon travail. Laisser
une place pour le non déterminé, rester dans l'ouverture.
J’ai la conviction
que l'art donne un sens, une direction, un parcours de vie. J'ai cherché mon
chemin dans l'art très longtemps, il y a eu des années où j'essayais des choses
très différentes pour "trouver" ma façon à moi. J'ai traversé beaucoup
de moments de découragement et je me suis souvent sentie perdue. Une des idées
que j'avais, et qui m’a sauvée, c'est que quoi qu'il arrive le plus important
est de continuer toujours. Il y a des haut et des bas mais si l'on continue à créer
cela s'éclairci avec le temps.
Longtemps
je pensais pouvoir guider la peinture comme je voulais, mais maintenant je
préfère laisser venir les choses de manière plus naturelle, même si ce n'est
pas ce que j'imaginais. Je regarde ce qui vient, je me connais en faisant et la
démarche est plus d'observer qui de maîtriser ce qui se produit.
J'ai eu
une énorme crise il y a trois ans quand j'ai change de l'huile à l'aquarelle,
c'était une crise de vie aussi. C'était difficile et douloureux, mais cela m'a
permis d'éclaircir ma démarche, de me centrer, d'éliminer le superflu. Je me
suis accroché à ce qui me donnais encore un peu de joie et qui me nourrissait
comme personne et comme artiste. J'ai fait cela pour moi seule. J'ai suivi le
fil rouge tenu, les fleurs m'ont guidées.
J’ai aussi
eu une époque très difficile à cause de problèmes de santé, pendant cette
période mon but c'était l'epsilon, c'est-à-dire le nombre le plus petit mais
qui est plus que zéro donc on avance quand même. Je m'étais donné pour but de faire
une fleur par jour, c'étaient les fleurs-epsilon.
Cela
m'aide d'avoir des artistes qui m'inspirent et que j'admire, comme des maîtres
qui nous montrent le chemin. Quand je vois le travail de ces personnes cela
m'encourage à continuer, même si cela peut être long avant de me sentir
réalisée.
Maintenant
j'ai une façon de travailler plus systématique destinée à prévenir les crises.
Par exemple, avoir un projet plus long me permet de ne pas sentir que je dois
tout recommencer quand j’ai fini une œuvre… l'œuvre ne s'arrête jamais. Je
laisse peu de place à des délibérations trop longues, je me centre sur la peinture.
Fixer des objectifs, m'aide à sentir que j'avance dans mon chemin et cela me
fait plaisir quand je regarde le chemin parcouru. Mais si je sens qu’un certain
jour c’est plus dur alors j'essaye d'avoir une attitude de compassion envers
moi-même et de me dire que peut-être, ce jour là, il faut rester simple, faire seulement
ce que je peux.
5. Raconte-nous un jours de travail.
Tous
les jours ne sont pas égaux, mais en général, cela se passe ainsi :
J’ai
l’atelier à la maison alors quand je suis prête à commencer la journée, je vais
dans l’atelier. J’ai besoin d’un temps pour me mettre dans le travail. Je
fais différentes choses, je commence par choisir les photos que je vais
utiliser, ou je fais recherches dans me livres ou sur internet avant de
commencer. D’autres fois, je continue mon travail de la veille avec une
peinture déjà en cours.
Je
peins sur mon bureau, d’après de photos que j’ai dans mon ordinateur. Je
cherche à créer des ensembles de fleurs avec ces photos. Je dessine directement sur la feuille où je vais peindre. C’est un
dessin assez détaillé. Selon la composition, je commence à peindre avant de
savoir avec quoi je vais compléter l’image. Parfois j’ai besoin de voir le
résultat de la peinture d’une fleur avant d’ajouter d’autres. Il y a quelque
chose de fragmentaire et la difficulté c’est de rassembler les parties en un
tout plus au moins équilibré.
Certain
jours, je vais faire des photos de fleurs dans les parques de la ville ou,
quand je suis en voyage je vais toujours visiter les lieux où je peux voir des
fleurs. Cela fais aussi partie du travail.
D’autres
fois, je m’occupe des blogs, je publie un article par semaine plus au moins dans mon blog personnel et je collabore avec Rosalino Rodriguez dans le blog Art Visions que nous avons crée ensemble.
C’est une façon de maintenir le contacte
avec les personnes qui aiment ma peinture, même si je ne fais pas beaucoup
d’expositions. Pour cela, il faut faire des photos des œuvres, écrire les
articles, faire la promotion du blog.
J’admire
énormément d’artistes, surtout ceux qui sont capables de transmettre de l’émotion
et créer un monde poétique à travers leurs peintures. Il y a les incontournables
comme Van Gogh, Monet, Chagall, Klimt, Paul Klee, Matisse, Bonnard, etc.
Il y a
quelques années, je me suis intéressée de plus en plus au fleurs alors j’ai
découvert des artistes moins connues qui travaillent sur ce sujet. Par ex. Claire
Basler que j’ai pu rencontrer lors de l’une de ces expositions. Mais aussi
spécifiquement des artistes aquarellistes comme Elisabeth Blackadder, Jenny
Matthews, Marjolein Bastin, Joseph Raffael, et les peintres botaniques en
général.
7. Quelle est ta vision sur l’art dans la société actuelle ?
J’ai une vision assez pessimiste si je pense à l’art comme je le rencontre dans les galeries par ex., je trouve que ce n’est qu’un commerce, que cela concerne des millions ou des sommes moins importantes on ressent un manque de authenticité et de contenu. Donc dans ce contexte de mondialisation où l’art est une marchandise… je ne peux pas parler de cet « art » là.
Il est clair que l’artiste doit aussi gagner sa vie donc il y a toujours la question de l’argent, c’est important de trouver un rapport équilibré. Il y a peu de possibilités en dehors de ces réseaux commerciaux, donc il faut faire son chemin comme on peut pour subsister.
J’ai une vision assez pessimiste si je pense à l’art comme je le rencontre dans les galeries par ex., je trouve que ce n’est qu’un commerce, que cela concerne des millions ou des sommes moins importantes on ressent un manque de authenticité et de contenu. Donc dans ce contexte de mondialisation où l’art est une marchandise… je ne peux pas parler de cet « art » là.
Il est clair que l’artiste doit aussi gagner sa vie donc il y a toujours la question de l’argent, c’est important de trouver un rapport équilibré. Il y a peu de possibilités en dehors de ces réseaux commerciaux, donc il faut faire son chemin comme on peut pour subsister.
Pourtant, je
trouve qu’il y a beaucoup de personnes qui font des choses magnifiques et qui
grâce à internet on peut les connaître. L’art s’est beaucoup démocratisé, on a
accès aux œuvres, aux connaissances techniques, l’art n’est plus question
d’experts.
Beaucoup de personnes
s’y intéressent et souvent les choses les plus intéressantes se trouvent dans
un niveau plus petit et humain.
L’art en
soi est, pour moi, une manière de résister à ce monde, à certains déterminismes
sociaux et aussi au manque de poésie de la société actuelle. Je considère que
c’est une contribution pour un monde meilleur, dans lequel il y plus de place
pour l’authenticité. Un lieu ouvert, un espace de transformation.
Je reste très
attachée à cette figure de l’artiste qui fait un travail personnel, unique, avec
les moyens qui sont les siens. Un artiste quittait une recherche et qui réussit à créer
un univers, nous faisant voyager, changer notre regard, qui nous questionne et
nous enrichit. L’artiste fait ce que les gens qui ont d’autres professions ne
peuvent pas faire, c’est-à-dire donner de l’espace pour le rêve, le
questionnement sur la vie, la beauté, la poésie de l’existence. Nous faisons
cela pour nous et nous le partageons avec les autres qui peuvent se nourrir
aussi de cette recherche.
9.As-tu
une réflexion que tu aimerais partager ?
L’art est
ce qui a mis un peu d’unité dans ma vie, ce qui a réussit jusqu’à maintenant a
rassembler les morceaux. C’est comme s’il y avait un appel de la beauté qui me
sauve, qui me permet d’entrer dans un rapport nouveau avec le monde, et qui
apaise la dimension tragique de la vie.
Irina Speranza
irinasperanza.blogspot.com
25 août 2015
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